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" Travailler en collaboration et produire à petite échelle "

Frédéric Lageat a intégré en 2010 le groupement de producteurs Vivaplante. Cette SARL met en commun le commerce, la logistique et le marketing.

Frédéric Lageat, horticulteur à Pluzunet (22), a surmonté bien des aléas. Mais il est toujours là, et satisfait de faire partie du groupement de producteurs Vivaplante. Il croit en l'avenir de structures spécialisées qui se regroupent pour répondre à une demande qui évolue sans cesse.

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Dans les Côtes-d'Armor, à côté de l'usine d'incinération des ordures ménagères de Valorys, à Pluzunet, Frédéric Lageat fait figure de résistant. Pendant plusieurs années, sur les quatre serres du site, seule la sienne était en activité. La crise a en effet fait son oeuvre avec le dépôt de bilan en 2008 du groupement coopératif Plants du littoral, qui occupait les serres. Frédéric Lageat faisait partie de la coopérative, mais l'a quittée six mois avant son dépôt de bilan en 2009. Malgré tout, il s'est retrouvé en difficulté à son tour, faute de clients. « Heureusement, Alain et Daniel Brichet (producteurs à Lannion - 22) m'ont soutenu en me faisant travailler pendant environ un an. » Ce délai a permis à l'horticulteur de créer des liens avec la SARL (Société à responsabilité limitée) Vivaplante, qu'il intègre en 2010.

« Le commerce, ce n'est pas mon truc. J'aime le système coopératif, avec la mise en commun de la logistique, du marketing, des évolutions techniques... » Ingénieur agro, Frédéric Lageat a monté son entreprise en 1998 pour produire, une motivation qui fait de lui le « coopérateur parfait ». D'autant qu'il trouve au sein de Vivaplante une forte solidarité entre les producteurs. « Nous nous partageons la gamme. Chacun est spécialisé, ce qui me convient très bien car tout faire tout seul, c'est compliqué. D'autant que les magasins demandent une gamme de plus en plus large. » Frédéric Lageat fournit 100 % de sa production à la SARL, qui vend uniquement aux jardineries. « Nous recevons les commandes, nous les préparons sur notre quai de distribution. Elles sont récupérées par un chauffeur dans la nuit et livrées en milieu de matinée sur la plateforme. Toutes les commandes clients sont regroupées dans l'après-midi pour une livraison en magasin le lendemain. »

Sur ses 8 000 m2 de serre, Frédéric Lageat n'a qu'une rempoteuse. Un unique investissement (4 000 €) facile à amortir, un critère essentiel quand on considère que ce matériel ne fonctionne que quinze jours dans l'année, 7 h par jour. « Dans l'industrie, les machines fonctionnent 24 h/24 h, douze mois sur douze. En horticulture, nous avons moins besoin de robots que de personnel, pour la qualité de production. » Et le producteur de citer l'exemple d'entreprises de 5 000 m2 à 1,5 ha dont le robot de repiquage ne tourne plus. Pour lui, l'ère de l'industrialisation de l'horticulture est finie : « Ce n'est pas l'industrialisation qui permet de diminuer les prix, mais la spécialisation. » Il croit beaucoup en l'avenir de petits établissements (5 000 m2) spécialisés qui se regroupent pour pouvoir proposer toute une gamme de produits. Il lui semble difficile de reproduire en France le modèle hollandais, de grandes structures horticoles robotisées qui fabriquent à moindre coût. Ce n'est d'ailleurs pas son rêve. « Les magasins n'ont qu'à chercher sur Internet pour obtenir une offre globalisée issue de Belgique ou des Pays-Bas. Mais nous avons la qualité, l'innovation, la gamme... Pour faire face et répondre aux demandes de la distribution, le groupement de 'petits' producteurs est une solution. » Pour Frédéric Lageat, « Small is beautiful » n'est pas une simple formule.

La question est de savoir ce qui va intéresser la clientèle. Une réflexion commune est menée au sein du groupement, qui confronte parfois différents points de vue selon la taille, l'automatisation et les productions de chacun. « Mon avis est qu'il existe un avenir pour une production de plantes consommables de type horticole. Maintenant, les plants de légumes prêts à consommer pour le marché urbain sont en plein développement. Il faut proposer du beau mais aussi de l'utile et du bio. L'agriculture urbaine et le prêt à consommer représentent un réel débouché pour les serres chaudes horticoles. Dans le nord de l'Europe (Belgique, Pays-Bas, Danemark...), des structures se montent pour cultiver ce type de produits. Si nous n'allons pas dans ce sens, ce serait une erreur : le créneau "prêt à consommer ornemental - légumes décoratifs" serait pris dans les jardineries par les étrangers. »

La réflexion a porté ses fruits puisqu'au mois de septembre dernier Vivaplante a signé un accord avec Vilmorin Jardin, société de distribution de produits pour les jardiniers amateurs (groupe coopératif Limagrain), pour une durée de deux ans, dont l'objet est de produire et de distribuer des plants à marque Vilmorin en 2018.

« Ma fierté, c'est d'être là dix ans après mon dépôt de bilan et de n'avoir viré personne. Aujourd'hui, je prélève un salaire, je paie mes fournisseurs, mes salariés... : ça sert à ça une entreprise. » Pour sauver son établissement, il a « travaillé à l'économie » : « Pendant cinq ans, j'ai serré les boulons. Tous les ans, mes charges diminuent : chauffage, assurance... Depuis mon dépôt de bilan, je travaille sans découvert et sans crédit de campagne, avec ce que j'ai : c'est une bonne école ! Depuis dix ans, j'ai une société viable, avec un autofinancement à petite échelle. C'est très satisfaisant, d'autant plus qu'avec le système bancaire, je ne gagnais pas d'argent... » Avec une autorisation de découvert de 140 000 € et un crédit de campagne de 80 000 € pour financer ses besoins de trésorerie, il n'arrivait pas à boucler l'année - avant 2008 - avec un chiffre d'affaires de 600 000 €. « Je fais moins de chiffre d'affaires (350 000 €) mais avec zéro dette et les bilans sont bons. La situation est toutefois aussi très fragile, avec aucune entrée d'argent possible en cas de coup dur. »

Le producteur a diminué ses charges, y compris le poste chauffage. Sa serre, construite en 1998, fait partie d'un complexe chauffé par l'usine d'incinération Valorys créée en 1997 et gérée par la communauté des communes Smitred (Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l'élimination des déchets). Une « fausse bonne idée » au final au vu des déboires rencontrés par les différents producteurs du site. Pendant 20 ans, Frédéric Lageat n'a certes pas payé cher le kilowattheure thermique, mais il devait s'acquitter d'un forfait annuel important, disproportionné par rapport à la consommation. Sans compter le paiement complémentaire de fioul en cas d'arrêt de l'usine... La rentabilité n'a duré que le temps de la crise du pétrole. « La seule solution pour nous, serristes du site, de nous en sortir était de chauffer. Nous en étions à souhaiter que l'énergie soit la plus chère possible. » En 2011-2012, l'horticulteur payait ainsi environ 45 000 € HT par an soit 6 €/m2/an. Le contexte a changé, trois des quatre serres du complexe ont fermé. Frédéric Lageat est entré en négociation avec la Smitred en 2010, puis 2014. Aujourd'hui, le forfait est calculé sur la moyenne de consommation des cinq dernières années. « J'ai réussi à passer à 3,20 €/m2/an. C'est ce que j'aurais dû payer il y a vingt ans ! »

Depuis peu, l'horticulteur n'est plus le seul à occuper les serres du site, avec l'arrivée des deux frères dirigeants de la SCEA Brichet qui ont acquis deux bâtiments. La quatrième serre est maintenant occupée par un serriste bio qui y a implanté une production biologique de tomates.

Valérie Vidril

Les volubiles sont produites en pots de 1 litre.

Vivaces ou annuelles sont conditionnées dans des packs de quatre godets.

Des jardinières mises en culture permettent de montrer le résultat final des packs en jardinerie.

Ces Gerbera à planter répondent aux attentes actuelles des consommateurs.

Les serres du site de Pluzunet permettent de valoriser la chaleur résiduelle de l'usine d'incinération Valorys, mais les conditions de contrat n'ont pas forcément été à l'avantage des serristes...

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